Appel pour un Réseau 12-2009

Appel pour la création d’un réseau international d’agronomes, d’économistes, de décideurs et d’ONG (Les prochains appels contiendront la liste des spécialistes et ONG signataires et soutenant cet appel) pour le développement durable pour que l’Afrique sub-saharienne puisse assurer sa sécurité alimentaire d’ici 2050, tout en participant à la lutte contre le changement climatique.

Lancement par Arthur Riedacker Directeur de Recherche à I’lNRA, Co-prix Nobel de la Paix au titre du GIEC et ancien négociateur pour le climat, Jean Marc Boussard Directeur de Recherche à l’INRA, Membre de l’Académie d’Agriculture et Joseph Racapé, Ancien membre de la Mission Interministérielle de l’Effet de Serre, chargé de l’agriculture.

Le constat

D’ici 2050 la population de l’Afrique sub-saharienne doublera et dans certains pays elle pourrait même tripler. Il faut donc augmenter la production alimentaire. A défaut, les pays qui ne le pourront pas devront importer plus de nourriture, s’ils le peuvent…. Cette nécessaire augmentation des productions alimentaires pourra être obtenue de deux manières :

  • soit en augmentant les surfaces mises en culture, mais cela implique de défricher des prairies et des forêts (Selon une étude du Centre Commun de Recherche de l’Union européenne, entre 1975 et 2000, les changements d’utilisation des terres en Afrique sub-saharienne ont atteint en moyenne 5 millions d’hectares par an (55% de forêts et 45% de prairies). Avec un ratio moyen d’émissions de 200 t de CO2 par ha défriché cela représenterait environ deux fois les émissions annuelles de la France ou du Canada.), donc d’émettre des gaz à effet de serre (GES) tout en menaçant d’accroître les risques d’érosion des sols et d’affecter la biodiversité;
  • soit en augmentant l’efficacité territoriale de la bioconversion de l’énergie solaire, c’est-à-dire les productions sur des surfaces déjà cultivées, par la réduction des surfaces des terres devant être mises en jachère et par l’augmentation des rendements (grâce à la mise en oeuvre de pratiques culturales différentes notamment par l’agroforesterie, en changeant de variétés, d’espèces ou d’associations de cultures et également en augmentant les intrants organiques et minéraux).

Dans le même temps les changements climatiques pourraient diminuer les rendements jusqu’à 30 %.
Cette menace constitue une raison supplémentaire pour augmenter dès maintenant l’efficacité territoriale en Afrique sub-saharienne car cela permettrait aussi d’y réduire la vulnérabilité face au changement climatique à venir. Ces habitants contribuent d’ailleurs considérablement moins aux émissions de GES que ceux des pays industrialisés.

Le Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) estime, sur la base des publications scientifiques disponibles, que pour stabiliser le climat d’ici 2050 et éviter toute dérive incontrôlée susceptible de conduire à des catastrophes, les émissions mondiales de GES devraient être divisées par 2 d’ici 2050 (Les émissions des défrichements tout comme celles des produits fossiles des pays en développement ne peuvent donc plus être ignorées), et celles des pays industrialisés au moins par 4.
Le G8 d’Hokkaido en 2008 a politiquement reconnu cette nécessité.

Dans l’Union européenne, le coût de ces réductions d’émissions se situe actuellement entre 15 et 20 € la tonne d’équivalent CO2. Mais il pourrait atteindre 60 € dans les années à venir car le défi est immense.
Pour atteindre l’objectif visé, il faudra aussi mettre en oeuvre la capture et le stockage géologique du CO2 provenant des grandes centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles.

Le coût de cette opération dépasse encore les 100 € pour chaque tonne de CO2 enfouie et on n’espère pas pourvoir le faire descendre à 60 € avant 2020 ! En comparaison, le bénéfice d’un défrichement évité (environ 200 t de CO2 par hectare moyen comprenant 50% de prairie et 50% de forêt) est considérable: environ 3000 € en admettant un coût de la tonne de CO2 évitée de seulement 15 € par tonne comme actuellement (mais ce prix devra augmenter).
Même sans compter les intérêts, cela permettrait une rémunération annuelle, pendant 50 ans, de 60 € par ha moyen non défriché. Or limiter ou repousser les émissions des défrichements au-delà de 2050 permettrait par ailleurs de gagner du temps pour la mise au point de technologies plus performantes dans les secteurs de l’énergie, de l’habitat, de l’industrie et des transports.

Avec cette rémunération on pourrait augmenter les intrants (notamment de phosphore dont manquent cruellement les sols africains, de matière organique, d’azote et de potassium), planter aussi des arbres et des haies pour recycler les éléments minéraux et fournir plus de matière organique, fixer l’azote de l’air avec des légumineuses, créer des retenues collinaires, parfois aussi pomper de l’eau et réduire les pertes des stockages, etc.

L’augmentation de la disponibilité alimentaire qui en résulterait constituerait alors un bénéfice net appréciable.

Actuellement, les rendements des cultures alimentaires en Afrique subsaharienne sont très faibles, en particulier à cause de l’apport insuffisant d’intrants organiques et minéraux : seulement de l’ordre de 10 kg d’engrais par hectare et par an, soit 20 fois moins que dans les pays industrialisés et 10 fois moins que la moyenne mondiale ! Beaucoup de problèmes alimentaires et environnementaux pourraient être résolus en les portant à 100 kg/ha.
Mais rien qu’en le portant à 50 kg par ha (au quart des intrants des pays industrialisés) d’ici 2015 comme le proposa le NEPAD en 2006, les productions pourraient déjà y être fortement augmentées. Ainsi durant la période post-Kyoto, entre 2012 et 2020, dégradations des fertilités minérales des sols et désertifications pourraient également être ralentis.

La proposition

A partir de ce constat, les signataires de cet appel ainsi que les spécialistes ou décideurs concernés auxquels il est proposé de se joindre à cette action, se proposent de montrer clairement à la communauté internationale qu’au-delà de la nécessaire adaptation au changement climatique, augmenter l’efficacité territoriale des terres cultivées en Afrique sub-saharienne est non seulement possible, mais également bénéfique tout à la fois pour lutter contre le changement climatique et pour accroître la sécurité alimentaire.

Cela contribuerait aussi à la réalisation de l’objectif premier des « Objectifs du Millénaire pour le Développement » des Nations Unies , à savoir réduire maintenant d’au moins 600 millions, le nombre de personnes ne mangeant pas quotidiennement à leur faim. Pour les signataires, la communauté internationale devrait retenir cet objectif dans les accords post-Kyoto sur le climat discutés à Copenhague fin 2009 et d’ici Mexico, en 2010.

D’où le programme suivant à réaliser d’ici le printemps 2010:

  • Montrer par des exemples précis et documentés que les efficacités territoriales et de conversions des productions végétales peuvent (tout comme les efficacités énergétiques) être augmentées significativement de diverses manières dans les pays de l’Afrique subsaharienne pour accroître la sécurité alimentaire, et cela sans pour autant chercher à atteindre le niveau moyen des intrants des agricultures des pays industrialisés ou de certains pays d’Asie. Cette tâche requiert surtout des agronomes, des spécialistes des sciences du sol et de l’élevage ainsi que des acteurs de terrain, notamment des chercheurs et des ONG.
  • Quantifier, pour ces exemples,les émissions de GES évitées, à croissance de productions totales comparables, par rapport à des situations où les pratiques seraient restées inchangées ou auraient seulement suivi les évolutions tendancielles actuelles. Cette tâche requiert des spécialistes connaissant bien le guide méthodologique du GIEC pour évaluer les émissions de GES, capables de comparer des scénarios non pas avec des « Analyses de Cycles de Vie » (ACV), mais des « Analyses Spatiales et de Cycles de Vie » (ASCV).
  • Déterminer le meilleur moyen d’utiliser les aides (aides directes aux intrants ou/et autres) qui proviendraient des pays industrialisés ? Pour l’énergie, sous le mécanisme du développement propre (MDP), on rémunère déjà les émissions de GES évitées résultant de l’utilisation de technologies ayant une plus grande efficacité énergétique ou utilisant des énergies renouvelables. Comme pour l’énergie fossile, on doit donc imaginer de rémunérer des développements agricoles ayant une plus grande efficacité territoriale et de conversion de leurs produits, ce qui diminue les besoins de défrichement, donc les émissions de GES. Cette tâche requiert des spécialistes connaissant les procédures sous le Protocole de Kyoto et les politiques agricoles.
  • Déterminer les effets de l’accroissement de la production alimentaire sur les balances commerciales des pays en développement de l’Afrique subsaharienne, sur leurs dépenses budgétaires à long terme et sur les reconversions que cela pourrait impliquer pour les agricultures de ces pays et des pays industrialisés. Cette tâche requiert principalement des économistes agricoles.
  • Informer les décideurs et les négociateurs des Nations Unies pour le climat de ce double objectif – l’accroissement de la sécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne et la réduction des émissions de GES de ces pays. Et proposer plusieurs modalités d’actions destinées à stabiliser le climat d’ici 2050, qui pourraient s’insérer dans les nouveaux accords internationaux pour la seconde période d’engagement sous le Protocole de Kyoto s’étalant de 2012 à 2020. Cette action sera portée dès Copenhague, en décembre 2009, tout au long de l’année 2010, jusqu’en décembre 2010 à Mexico et jusqu’à la conclusion des accords finaux sur les modalités d’actions pour la période post-2012. Cette dernière tâche nécessite des décideurs, des négociateurs et des divers acteurs qu’ils soient convaincus de l’importance à réellement soutenir cette initiative.

Novembre 2009

Pour participer à ces groupes de travail, soutenir cette action ou y contribuer financièrement (chèques à l’ordre de Oikos Sacass (Oikos Sacass 8 rue de Saint Aubin, 28300 Amilly France)

Contacts : Sécurité Alimentaire et Climat en Afrique Sub-Saharienne (SACASS) conferencecotonou.2011@oikos-foodsecurity.org

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